Mobilier urbain
New York City, août 2010.
On imagine qu’autrefois des gamins les distribuaient au centre-ville en criant les dernières nouvelles ; désormais, à New York et depuis au moins vingt ans, les journaux n’ont plus de voix ni de visages mais une jolie boîte. Certains en ont une rouge comme le Village Voice, d’autres une verte comme The Apple Parents, bleu comme le New York Times, vert et sa presse gay. Certains sont gratuits, d’autres payants, certains sont quotidiens d’autres mensuels. Aussi, passé le 15 du mois, il arrive que le contenu de la boîte à écrit soit de nature bien différente : une cannette de soda, des restes de pizza… Pour qui n’est pas familier, s’y retrouver dans cette série de boites colorées n’est pas simple. Il faut savoir lire non pas un texte mais un code qui distingue, hiérarchise, identifie.
En attendant l’autobus, le touriste s’amusera à observer qui utilise ce dispositif complexe et comment. Il observera d’abord l’homme pressé, le quinquagénaire sur de lui, le vrai new yorkais qui glisse sans hésitation ses quarters dans la boite de la plus sérieuse des publications ; il y aura cette mère de famille avec sa poussette qui l’air de rien prendra celui des folles nuits du village ou encore le clochard qui prendra un imprimé gratuit pour entourer sa bouteille de bière. Et puis pendant de longues minutes personne… plus personne : des écrits laissés tout seuls, sans lecteurs ; le jeune homme avec son iphone ne leur jètera pas même un regard.
L’autobus n’arrivant toujours pas, le touriste s’avancera vers la boite de la publication culturelle gratuite repérée, prendra l’imprimé et entreprendra de lire… il cherchera un article, il renoncera vite. Décidément cette ville est cinéma : écrits de figuration.