Nous ?
Clamart, décembre 2014.
La gestion des immeubles en co-propriété est un puits sans fond dans lequel on pourrait sans doute découvrir un nombre d’actes d’écriture et des formes graphiques suffisant pour alimenter Scriptopolis pendant une année complète. Parmi eux, l’affichette destinée à informer chacun de la vie du bâtiment est un grand classique qui, derrière son apparente trivialité, est un puissant opérateur politique. S’y raconte, dénonce ou rappelle comment la vie collective s’organise sur ces lieux. L’objet est si sensible qu’il a lui-même une vie parfois agitée : annoté, caviardé, arraché, recouvert par un concurrent…
Ici, l’on découvre qu’à défaut de restaurer avec un morceau de ruban adhésif une précédente note déchirée, ou d’en imprimer une autre version, on a préféré écrire et afficher un nouveau texte qui vise à mettre en œuvre une forme de réparation propre. Celle-ci passe par une condamnation, avant que ne soient exprimées des excuses. Un doute subsiste, malgré tout, quant à l’énonciateur de cet acte de contrition. Si l’on comprend qu’il ne vient pas de la personne qui a perpétré l’outrage, à moins qu’elle se permette de se blâmer elle-même, il est difficile de savoir s’il a une valeur collective. Après tout, la note est signée d’un seul nom. Et l’on sait que celui qui le porte a la fâcheuse tendance de vouloir régenter la vie de l’immeuble à lui tout seul. Jusqu’à surveiller les allées et venues de sa fenêtre à moitié ouverte jusque tard dans la nuit. Jusqu’à inonder les co-propriétaires de courriers électroniques péremptoires, lorsqu’ils ne sont pas explicitement malveillants. Jusqu’à y écrire bien trop souvent « nous » à la place de « je ».