Papier journal
Aéroport de Francfort, février 2011.
À côté du copieux journal du week-end, il semble bien rachitique l’Herald Tribune ce samedi. Seulement l’oeil du voyageur est immédiatement attiré par la double photo sur la une. D’un côté, le visage dans l’ombre d’une femme, à peine perceptible, de l’autre l’éclat d’un grand drap recouvert de mille écritures manuscrites en caractères arabes. Pour le lecteur européen non arabophone impossible de savoir ce qui est inscrit. Mais l’impression immédiate quasi physique que sur ce grand morceau de textile des mots de révolte ont été tracés. Les unes des quotidiens du monde sont ainsi souvent illustrées de clichés représentant de l’écrit : un écrit souvent illisible mais dont la force du tracé, à la bombe noir sur un mur d’un quartier pauvre, en rouge sur le bandeau d’un homme, soigneusement dessinés sur une pancarte brandie par une femme… L’écrit photographié porte à la fois l’événement et son récit. Il témoigne mais aussi donne à voir une distance qui rapproche le lecteur du journal de ce qui s’est passé là-bas en Libye. Proximité improbable. La photographie est accompagnée d’une légende et surtout d’un titre qui redouble l’écrit représenté. Les caractères imprimés et l’écrit photographié forment un petit dispositif qui incite et donne envie de lire les autres caractères dans le corps du journal. Ceux-là seront plus petits, plus gris.