ISSN : 2266-6060

Persistance

Clamart, janvier 2025.

Il est des hommages que l’on n’a jamais imaginé devoir écrire. Des amis que l’on pensait, très sérieusement, immortels.
Le cœur de Nicolas Nova s’est arrêté le 31 décembre 2024 à Oman alors qu’il marchait « sur les pas de Sinbad le marin », comme il aimait le dire à ses proches quelques jours avant son départ. Il avait 47 ans. Depuis que la nouvelle a été annoncée, les témoignages de celles et ceux dont il a marqué la vie se multiplient. Tous dessinent le portrait d’un être à part. Sans vanité aucune, d’une curiosité infinie, magnifique amateur. Ils donnent la mesure de sa générosité, de son goût vital pour les rencontres, et des réverbérations qu’il se plaisait à générer en fin connaisseur de dub.
Nicolas s’attachait à déplier les mondes. Scrutateur inépuisable de l’infraordinaire, il tenait l’observation, l’écoute et la description pour les fondements de la pensée. Et avec elles, pour elles, indispensable : le déplacement. La connaissance que Nicolas Nova cultivait était intrinsèquement ambulatoire. Voyages lointains, trajets quotidiens, rêveries littéraires, promenades, chaque mouvement lui permettait de se laisser affecter par les choses hybrides et les gestes anodins qui peuplent une modernité dont il tenait plus que tout à montrer qu’elle était moins pure, moins rationnelle, moins univoque qu’on voudrait bien le croire. Mieux que personne, il savait prêter une attention joyeuse aux composites improbables qui habitent la Terre et à leurs incessantes mutations. Mieux que personne, il savait les donner à voir.
Amoureux des textes courts, praticien des listes bancales et des mises en catégories troublantes, interlocuteur précieux des premières années des « réseaux sociaux », il devenait au fil des années un écrivain. Et un chercheur enfin reconnu. Ce devenir dont nous étions toutes et tous les témoins attendris et admiratifs rend plus vertigineuse encore sa disparition soudaine.
Mais disparition, évidemment, n’est pas le bon terme. Nicolas le savait bien, il continue et continuera d’apparaître dans nos vies. Dans le regard qu’il nous a d’abord appris à porter sur le monde. Mais aussi dans les traces multiples qu’il a laissées au fond de nos ordinateurs et de nos smartphones, cet objet technique dont il n’a jamais cessé d’explorer les modes d’existence. Réaliser que l’on ne recevra plus de photos ni de messages intempestifs est une douleur insoutenable pour la foule d’ami·es avec laquelle il dialoguait presque chaque jour. Mais imaginer tout ce qu’il reste de lui dans nos machines, et laisser à ses fantômes le temps de se manifester : voilà un plaisir qu’il nous a appris à reconnaître et à cultiver. À bientôt, Nicolas.

***

Compagnon de Scritopolis depuis les tout débuts, Nicolas Nova proposait des billets dès qu’il trouvait un peu de temps. Il est ainsi venu parler d’auto-partage, de corrections, de papiers volants, de boutiques en temps de Covid, et enfin de l’un de ses héros disparus.
Il nous avait aussi fait un clin d’œil sous la forme d’une étiquette sur sa page Flickr.



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