Possible

Bayou Sauvage, La Nouvelle Orélans, septembre 2019.

Les panneaux d’interdiction sont bien plus que de simples relais de la loi ou de la réglementation. Ils donnent au monde un supplément de réalité en apportant à des actions parfois très virtuelles un degré d’existence supplémentaire. Vous n’aviez jamais penser à jeter des pierres dans l’étang ? Il suffit qu’une affiche se présente devant vous pour vous rappeler (en fait vous annoncer) qu’il est interdit de le faire, pour que l’idée vous trotte désormais dans la tête. On peut d’ailleurs supposer que ça n’est pas seulement avec l’idée que l’affiche lutte, mais avec quelques précédents. S’il est important de le préciser à l’écrit, c’est que, peut-être, d’autres se sont déjà lancés dans l’opération illicite. En interdisant, le panneau se fait donc aussi bien marque d’un possible que trace d’un passé dont il cherche à éviter qu’ils se réalisent à nouveau.
Rien de tel, pour éprouver cette force scripturale, que de se trouver sur un territoire peuplé d’êtres qui nous inquiètent. Nourrir les alligators ? Les harceler ? Quelles drôles d’idées. Mais c’est qu’ici, dans les bayous, ils sont chez eux. Il n’y a d’ailleurs pas de barrières, ni aucune délimitation franche pour séparer celui qui vient d’apparaître dans l’eau à quelques mètres du panneau et du petit français qui reste figé en le découvrant, et le regarde, interdit.