ISSN : 2266-6060

Premier arrivé, premier servi

queue

La Rochelle, décembre 2011.

Avant, pour acheter du poisson ou des fruits de mer, on estimait le temps d’attente en un clin d’œil. Il suffisait de regarder le nombre de personnes présentes devant l’étal. Une fois dans la file d’attente, il fallait rester extrêmement attentif à prendre position au fur et à mesure du passage des clients. Faute de quoi, des petits malins pouvaient habilement doubler les plus distraits et modifier ainsi l’ordre des places à leur avantage. Bien souvent, face à ces actes d’incivilité, on laisse son tour, plutôt que d’envenimer une situation en public.
Depuis l’installation d’un dispositif graphique, les choses ont changé. En prenant un ticket avec un numéro, on sait aussi combien de personnes sont avant nous à l’aide de l’écran qui affiche le numéro du client en train d’être servi. Les compétences se sont déplacées. Plus la peine de jouer des coudes ou d’adopter des postures pour conserver sa place dans la file et défendre son territoire. L’ordre numérique des tickets est venu remplacé la gestion écologique des positions qui fondait l’ordre social typique des files d’attente. Libérée de la plupart des contraintes corporelles, l’attention peut dorénavant se focaliser exclusivement sur le tableau d’affichage afin de surgir au moment où le vendeur lance son fameux “à qui le tour ?”
Dans ces conditions, difficile de gruger pour modifier l’ordre des places. Ce jour-là, fêtes de fin d’année oblige, la poissonnerie était bondée. Nous sommes pourtant passés avant tous les clients, sans prendre de ticket, ni même faire la queue. La personne qui m’accompagnait connaît bien un des vendeurs à qui elle a téléphoné juste avant notre arrivée : il avait préparé la commande passée la veille et nous nous sommes dirigés directement vers la caisse. Ni les clients, ni les autres vendeurs, ni l’ingénieux dispositif graphique n’ont intercepté notre acte d’injustice flagrante…



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