ISSN : 2266-6060

Ralentir

Paris, avril 2012.

Aller toujours plus vite, toujours plus loin. On entend régulièrement des injonctions similaires, et on connaît bien le principe de compétition qui les fonde : même lorsqu’on réussit à être parmi les meilleurs, il faut se battre contre soi-même pour se dépasser encore et toujours. C’est à cette qualité que l’on reconnaît les vrais « winners ». Cette motivation remonterait aux sources de la pensée libérale et irriguerait de nombreux dispositifs du <em>new public management</em> au point de pervertir des domaines d’activités qui étaient épargnés jusque-là, comme le monde scientifique pour prendre un exemple totalement au hasard.

Nous voici dans un bureau d’une maison d’édition académique, où cette fuite en avant semble s’être incarnée jusque dans le mobilier. La taxinomie distingue clairement ce que est « urgent », du « très urgent », et du « très très urgent ». Une belle façon de qualifier les exigences d’un calendrier toujours plus tendu pour gérer le flux de manuscrits. Rien de bien nouveau finalement : la course à la priorité est à la base de l’entreprise scientifique depuis ses balbutiements au XVIIe siècle. D’où l’obsession de  publier plus vite et plus haut. Au point que certains foncent tête baissée, quitte à contourner les exigences requises. À l’inverse, d’autres revendiquent la lenteur. En revanche, trop peu envisagent sérieusement la catégorie « trop tard ». Une option radicale et pourtant salutaire à méditer… et à inscrire plus systématiquement dans les infrastructures pour rendre visible et archiver cette part du travail scientifique.



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