Rémanence
Lisbonne, mai 2010.
Sur cette petite place de l’Alfama, je suis retourné sans prendre garde ; j’arpentais la ville désertée en raison de la venue du Saint-père ; la façade des immeubles des principales artères du centre-ville avait été couverte par des calicots aux couleurs du Saint-Siège sur lesquels on lisait « BENTO XVI » ; on avait essayé que ces écrits d’apparat ne fassent pas trop pale figure face à l’immensité des écrits commerciaux que l’on croise depuis l’aéroport. Sur la place du commerce, face au Tage où devait se tenir la messe, on avait pris soin de les rendre invisibles et désormais en dehors du nom du souverain pontife, l’espace était comme vierge ; parfois, on apercevait néanmoins ici ou là circuler des individus avec sur le dos de leurs sombres uniformes en gros caractères inscrit le mot « POLICIA ».
Sur cette petite place de l’Alfama, j’ai revu soudain cette marelle peinte sur le sol ; la place était vide mais j’ai entendu les rires et les cris des enfants ; à la vision de ces simples chiffres dans ces cases, un flot d’images m’est revenu violemment. Ces quelques signes tracés m’ont fait soudain songer à tant de souvenirs d’enfance, les miens, ceux de mes enfants qui avaient joué là quelques années auparavant et puis aussi et surtout ceux des gamins de Lisbonne et du monde…