Renaissance

Paris, janvier 2019.

Ils nous auront bien fait rire, les promoteurs de ces carrés aux dessins géométriques cryptiques. La révolution qu’ils promettaient nous semblait si futile, et son avènement si peu probable. Franchement, coller ces petits codes partout, des emballages de produits de consommation jusqu’aux murs dans les bâtiments et croire que les gens, armés de leurs smartphones, allaient les utiliser pour accéder aux pages Web d’un seul geste ? Quelle idée. Toute l’opération était vouée à l’échec. Qui verrait l’intérêt, passés les premiers essais curieux, à utiliser Internet de cette manière ?
Et comme on pouvait l’imaginer, en quelques mois, on a vu les codes pâlir, se détacher des murs, et rester lettre morte. Nos prophéties se confirmaient : la technologie allait bientôt disparaître, faute d’usages. Sans doute subsisterait-elle loin des yeux du grand public, dans la logistique par exemple, mais pas à l’échelle que l’on nous avait fait croire.
Pourtant, voilà que, quelques années plus tard, ces codes reviennent peupler nos vies et nos espaces publics. Ils semblent même avoir une nouvelle place : non plus élément accessoire offrant un lien vers quelques compléments informationnels, mais véritables points d’entrée pour faire fonctionner les objets qu’ils équipent, passages obligés de tout nouveaux services.
Mais qu’est-ce qui a changé ? Est-ce cette fameuse « acceptabilité » dont tout le monde nous rebat les oreilles qui a fait des miracles, les usagers étant désormais prêts à se plier à ces nouveaux usages ? Bien sûr que non. C’est Internet et le Web eux-mêmes qui se sont transformés. Alors qu’on imaginait mal l’intérêt de flasher régulièrement un code dans la rue ou à sa table de petit-déjeuner pour consulter des informations en ligne, on comprend très bien l’utilité que ce geste représente lorsqu’il permet d’accéder à une infrastructure puissante qui associe en quelques secondes un objet, un utilisateur, un moyen de paiement, et les termes d’un contrat commercial.