Répétitions

Toulouse, décembre 2020.

En science comme en art, l’originalité ne se décline pas au pluriel. Reproduire une découverte ou un œuvre à l’identique, quelques jours ou des décennies après, est jugé complètement insignifiant. Toute répétition est immédiatement reléguée aux oubliettes de l’histoire. C’est en revanche totalement différent lorsque la répétition est elle-même inscrite au cœur du processus créatif. La signature au fondement du writing, sous forme de tags ou de throw-ups inlassablement répétés dans les espaces urbains, figure parmi les expressions les plus manifestes de ce processus. Prenant cette action au pied de la lettre, Tilt, un writer également artiste, s’est lancée dans une performance consistant à produire, au cours d’une année civile, autant de throw-ups que de jours. Réalisée il y a dix ans, il décide en 2020 de réitérer en doublant la mise : inscrire 720 throw-ups entre le 1er janvier et le 31 décembre. Ambitieuse, la performance rencontre chemin faisant des contraintes largement inattendues, deux confinements nationaux notamment, outre celles avec lesquelles l’acte exige de faire habituellement (cache-cache avec les patrouilles de police, conditions métérologiques plus ou moins favorables, photographie avant effacement…). Peu importe, le défi en vaut la chandelle. Les formes graphiques visibles sur les façades de la ville vont cependant de pair avec un autre processus d’inscription : écrire très régulièrement sur un calendrier la progression de la performance. Forme de mémorisation des occurences accumulées, l’écriture de chaque nombre donne également lieu à une projection dans les mois à venir, puis les semaines restantes, afin de calculer la moyenne journalière dictée par la marche du temps, et en conséquence d’ajuster, jour après jour, le rythme des productions. Le 31 décembre 2020, l’addition s’élève finalement à 666. La performance initiale n’est pas honorée. Pour autant, le nombre sonne avec perfection pour qui considère que le diable graphique se niche dans les détails répétés de l’acte d’écriture.