Saine mobilité
Paris, décembre 2010.
Nous en parlons ici régulièrement, les dispositifs de signalétique sont des objets fascinants pour qui s’intéresse à la fabrique scripturale du monde. Équipements essentiels de l’injonction à la mobilité qui caractérisent nos espaces urbains (voir ici, et ici), ils participent d’une fonctionnalisation générale de la ville, en la marquant de mots d’ordres plus ou moins explicites. Tournez à droite, ne doublez pas, arrêtez-vous, laissez passer.
On sait bien que les registres de ces signes urbains sont variés. En premier lieu, il s’agit bien entendu d’aménager dans un même mouvement les espaces et les flux d’entités qui s’y déplacent. Le tri s’opère alors des deux côtés : la signalétique marque des différences à la fois entre espèces d’espace et entre espèces d’entité circulante. Ceci peut se faire au nom d’un partage démocratique des lieux publics, mais aussi au nom de la sécurité de ceux et celles qui s’y déplacent. Et récemment, des efforts ont été faits pour inventer des signalétiques qui cherchent à inciter d’autres pratiques vertueuses de la part de la population. C’est souvent un enjeu écologique qui est alors avancé : des panneaux ont été mis en place pour favoriser l’usage des transports en commun, d’autres spécifiquement pour les cyclistes et leur mobilité dite « douce ». À Londres, dans le même ordre d’idée, on a imaginé une signalétique piétonne pour encourager la marche.
C’est aussi le cas de celle présentée ici. Mais son registre est pourtant bien différent. Un premier indice permet d’ailleurs de s’en douter : elle n’est pas installée sur un poteau à même la rue, ni sur le mur d’un bâtiment, mais sur la devanture d’une brasserie. Elle vise certes à équiper la marche en informant du temps de parcours (finalement faible) qui nous attend si nous souhaitons rejoindre le jardin du Luxembourg ou les Invalides, mais ça n’est pas pour améliorer notre bilan carbone ni avec lui l’air de Paris. C’est au nom de notre propre corps dont, on le sait, nous pouvons améliorer l’état par la pratique régulière d’une activité physique non violente, dont la marche est l’emblème. Voici donc une signalétique qui n’émane pas du ministère des transports, ni de la mairie, mais du ministère de la santé. « Bouger c’est facile », indique son sur-titre, tandis que s’ouvre avec ces panneaux sanitaires un nouvel horizon de mots d’ordre urbains. On attend avec impatience ceux qui nous permettrons de trouver, au fil de nos parcours piétons, les magasins qui nous permettront d’acheter sans faire trop de détour, les cinq fruits et légumes essentiels eux aussi à notre bien-être quotidien.