S’arranger
Barcelone, Mai 2010.
Une foule tout entière dévouée à la musique. À la découverte de petits groupes dont elle ne connait que quelques titres glanés ici ou là sur le Web, ou attendant les retrouvailles avec des anciens qui ont tant manqué, guettant ce frisson étonnant qui fait se sentir vieux, mêlé au plaisir immédiat de belles chansons jouées par des musiciens qui eux aussi semblent s’amuser.
C’est cela qu’ils raconteront les jours d’après, revenus chez eux, les yeux brillants pour parler des moments de grâce, la bouche amère pour balayer les déceptions. Ils oublieront vite que pour profiter de ces joies musicales, il a fallu qu’ils bénéficient d’une organisation extrêmement complexe reposant sur le travail de 650 personnes présentes pendant ces trois jours. Ils oublieront aussi sans doute qu’il a fallu qu’ils travaillent eux-mêmes, qu’ils s’organisent à leur tour. C’est qu’avec six à sept scènes en parallèle, au programme presque aussi alléchant les unes que les autres, les choses n’étaient pas simples. Il fallait s’équiper. Les tactiques en œuvre variaient : de celui qui se servait du programme officiel sur lequel il avait annoté de numéros les groupes qu’il ne voulait pas rater, à celui qui avait imprimé à l’avance uniquement l’horaire et les lieux de passage de ceux qu’ils voulait voir, se chargeant d’éviter dès le départ toute incompatibilité. Oui mais voilà, les désirs musicaux ces jours-là changent comme le vent et beaucoup n’étaient pas complètement satisfaits des outils qu’ils avaient à leur disposition pour avoir sous leurs yeux et dans la main tout le festival et faire ainsi des choix spontanés et efficaces.
En voyant celui-là, certains ont compris qu’il avait trouvé la solution. Il s’était chargé de fabriquer un bel emploi du temps, comme celui qu’on distribuait le jour de la rentrée des classes au lycée, rassemblant les jours, les horaires, les lieux et les groupes d’un seul geste. La puissance du dispositif semblait d’autant plus grande qu’il laissait une main libre pour recopier sur l’écran d’un téléphone portable les informations importantes et trouver un moyen simple de signaler aux amis le prochain concert où il fallait être. C’est sûr, l’année prochaine, c’est comme ça que l’on fera, se sont-ils dit.