Sensible
Pont, août 2020.
Après deux ou trois jours de promenades sereines dans le parc naturel du Morvan, nous ne sommes pas vraiment surpris de tomber sur ce panneau. En qualifiant le lieu d’« espace naturel sensible », il semble parfaitement coller aux efforts d’une écologie qui respécifie l’idée douteuse de « nature » en la traduisant dans les termes d’une sensibilité située. Plutôt que de se faire spectateur étranger d’un monde naturel dont il s’est peu à peu extrait, l’être humain a tout à gagner à renouer avec un monde vivant dont il doit apprendre à percevoir à nouveau la richesse et la diversité.
À y regarder de plus près, le panneau fait d’ailleurs un peu plus que qualifier. Les trois mots clefs sont soulignés d’une encre qui a été ajoutée après son installation, et une écriture cursive faite de cette même encre est déployée autour des informations officielles. « Moins de cyprès. Moins de hêtres. Les feuillus meurent pour des plantations de sapins… ». Presque effacés, les mots aiguisent le regard et font bien œuvre de sensibilisation. Regardez bien : tous les arbres ne font pas la même forêt. Et là où vous pourriez être tentés de ne voir que « de la nature » se jouent des confrontations, des batailles qui font des morts. L’encre verte pâlie au soleil offre finalement une belle leçon : pour se rendre sensible à cette politique qui se déploie à même les sols, il faut parfois plisser les yeux et déchiffrer des textes alternatifs presque effacés.