Seuils
Toulouse, novembre 2019.
Borne routière, je suis placée en bourdure de voie de circulation pour que les voyageurs me voient distinctement. En tant qu’élément de signalétique, mon rôle est double : j’identifie la route sur laquelle je suis placée comme un jalon, et j’indique les localités voisines. Ici la route nationale n°112, allant d’Adge à Toulouse en passant par Béziers. Relai, repère, seuil d’innombrables trajets, je figure également comme un point de passage sur les multiples versions du plan du réseau routier qui se sont succédées au fil des siècles. Toute comme moi, flanquée d’un carré correctif, cette série de plans porte les traces de changements géopolitiques. Avant d’indiquer cette route nationale, j’étais placée un peu plus loin jusqu’en 1856, au carrefour des routes impériales n°88 et n°112 en direction de Lyon et d’Agde.
Stèle portant des inscriptions ancestrales, je siège toujours en bord de route, mais un peu en retrait, dans un petit jardin aménagé à la sortie de la bouche de métro. Les indications que j’expose inlassablement demeurent lisibles et significatives, sans être pour autant très souvent activées. Tandis que je tourne le dos aux automobilistes, les passants pressés ne détectent pas ma présence à l’ombre de ces arbres. Quant aux flaneurs profitant des bancs du jardin, ils ne m’accordent pas la moindre attention même lorsqu’ils daignent sortir la tête de leur écran. Invisible aux innombrables passages, plus indifférents que méprisants, j’en ai vus bien d’autres… et je continue de profiter du point de vue privilégié qui m’est offert sur la marche du monde.