Tableau d’or

Rotterdam, août 2013

« Laisser un commentaire », pouvez-vous lire sous ce texte et cette image. Les espaces électroniques contemporains ont souvent institué l’interaction en principe central, l’hébergeur recevant les commentaires de ses lecteurs, y répondant ou, si les choses tournent mal, les empêchant de s’exprimer. D’autres hôtes en avaient décidé de même auparavant : le livre d’or est un dispositif indispensable des lieux mémoriaux et des expositions d’art, même si certains visiteurs y déploient une critique acerbe.
Et puis il y a ceux des chambres d’hôte où les compliments et les remerciements fleurissent page après page, et où le silence vaut critique. Mais ici, dans cette maison entre deux canaux, les choses sont différentes : les craies et le tableau noir, qui résistent encore dans les classes, ont été subvertis. Ce dernier n’est plus un espace transitoire, où les couches de carbonate de calcium s’accumulent en fonction des besoins, jusqu’à ce qu’une éponge ou un tampon leur rende leur virginité.
Au centre, vous voyez un message de bienvenue des propriétaires, et, tout autour, la trace de ces voyageurs de passage ayant tenu à témoigner ainsi leur satisfaction, leur joie ou leur reconnaissance d’être hébergés. Le tableau est couvert de signes, il n’y a plus de place : vous donnez-vous le droit de recouvrir leurs messages ou vaut-il mieux les laisser en l’état ?
Ce n’est pas une foule agrégée qui a attribué une note, mais des couples, des amis, d’ici et d’ailleurs, en toutes langues, qui ont aimé ce lieu. Peut-être les hôtes effacent-ils leur tableau à chaque nouvelle année, alors vous photographiez ce singulier livre d’or pour le pérenniser ici.