Tautologie
Vanves, août 2009.
Il était une fois, il y a longtemps, bien longtemps… un monde fondé sur les relations de confiance entre les êtres. Qu’elles émanent des humains, des objets, des règles ou des mots, les actions pouvaient se déployer dans un espace public où régnait une relative sérénité. La stabilité du monde, l’ordre des choses n’étaient bien entendu pas assurés pour toujours, mais on pouvait compter dessus un temps soit peu sans trop s’y appesantir, ne serait-ce précisément que pour tenter de les transformer.
Aujourd’hui, l’incertitude guette, les défaillances sont légion, les catastrophes sont partout. Le monde des possibles s’est progressivement mué en monde des risques. La défiance défie toute concurrence, elle est devenue la qualité première des espaces publics. Aucune action n’est envisageable sans anticiper l’ensemble de ses conséquences et, surtout, la mise en scénario de celles qui sont inattendues, dont les effets seraient inéluctablement néfastes. On avertit, on prévient, on prend des précautions. Car la mise en cause juridique est désormais l’unique horizon de l’agir, l’assignation en responsabilité son ultime sentence.
Dans le premier monde, une statue un peu défraichie serait entourée d’un simple ruban rouge et blanc pour marquer ostensiblement qu’elle est en travaux de réfection. Dans le nouveau monde, des barrières la protègent un peu plus et l’écrit est devenu indispensable pour expliciter davantage la scène : prévenir les risques de tout contact, garantir que la statue et ses éventuels assaillants restent sains et saufs. Décidément, l’avènement du tout sécuritaire est une véritable aubaine pour Scriptopolis.