Témoins
Paris, décembre 2011.
Avant celui-là, il y a eu beaucoup d’autres documents. Des brouillons, des notes, des plans détaillés faits et refaits, des formulaires annuels, des actes de colloques, des articles académiques, des versions, des slides. Des tonnes de courriers électroniques. Quelque semaines avant cette journée, le mémoire lui-même a été imprimé et envoyé aux examinateurs. Ils ont envoyé leur rapport en retour. La présentation orale a été méticuleusement préparée, et d’autres slides encore.
Le jour J, chacun est arrivé avec sa version annotée de la thèse, certaines d’entre elles décorées de petits marque-pages de couleurs. Chaque examinateur avait aussi ses propres remarques sous les yeux. Nous en avons écrit d’autres pendant la présentation et la discussion.
Après cela, nous avons discuté un moment, tout le monde est revenu dans la pièce et la présidente du jury a dit ce qu’elle avait dire. L’étudiante que nous avions devant nous était désormais docteur. Tout au moins pour quelqu’un comme J. Austin qui a insisté pour montrer que « dire », c’est souvent « faire ». Mais l’était-elle vraiment ? Pas tout de suite, ou plutôt pas complètement. Il fallait encore faire un peu de paperasse. Au premier rang desquels le rapport final, avec nos cinq signatures. Comme pour un mariage, ces derniers documents, faisant figurer nos noms, allaient permettre de diffuser la nouvelle. De la prouver, en fait, et de donner certains droits au docteur tout neuf. Ils seraient des témoins, toujours prêts à relater ce qui s’est passé ce jour-là et à afficher le genre de personne que serait l’étudiante à partir de maintenant.