Vaisselle cassée

Paris. Septembre 2009.

Le post-it, on l’a oublié, est une invention récente. Il y a eu un monde sans ces petits rectangles de papier encollés et de couleur vive. Il n’est pas aujourd’hui un de nos bureaux qui n’en soit pourvu. On a même parfois que ça dans nos tiroirs. Un de nos collègues littéraires, trouvant le format parfaitement adéquat à sa graphomanie avait pris l’habitude d’écrire ses brouillons d’articles dessus. Le plus souvent, collé sur une porte, un bureau, un écran d’ordinateur, il porte un numéro de téléphone, un mot de passe, le prénom d’une jeune femme… on en use comme de pense-bête ; on ne les signe pas ; c’est pratique, ça peut se coller ensuite dans un cahier ; bref c’est un écrit hyper mobile. Il arrive aussi que « par mégarde », on en emporte chez soi ; là aussi, ça permet de laisser une liste de course à faire sans l’adresser à quiconque ou de soulager sa mauvaise conscience de partir à l’autre bout du monde en laissant un bisou écrit ! On les aime tellement que ces écrits ont une durée de vie parfois très longue… Qui n’a jamais râlé à la tombée d’un post-it défraichi ?
L’écrit sur post-it a des avantages, il a donc aussi des inconvénients. Il passe… Mais sans doute, le plus terrible de ses inconvénients tient en sa qualité comme on le voit ici dans la cuisine d’un laboratoire de recherche. Le carré orange se voulait léger : un rappel fait avec élégance des règles de vie collective ; quand on se sert d’une tasse, on la lave. Le problème rencontré par cet écrit est que la pause d’un second a soudain inscrit le message comme une sentence sur le mur d’un carmel… brusquement par un simple jeu de contraste graphique, le bon sens est devenu casse-pied, la douce invitation une injonction maniaque. Nul ne s’y est trompé et dès le lendemain, les deux post-its ont disparu. C’est promis : on fera désormais la vaisselle.