Voter avec ses pieds
Val Thorens, mars 2019.
Les vacanciers étaient éberlués de voir ainsi la politique s’immiscer dans leur séjour. Il faut dire qu’elle avait dû passer un certain temps à choisir un lieu vierge de toutes traces de glisse. Ce renfoncement entre deux pistes, sous le télésiège, paraissait idéal, car personne ne s’y était risqué, de peur de devoir remonter à pied, faute de vitesse. Elle était descendue dans la large bassine de neige, avait déchaussé ses skis, abandonné ses bâtons et son compagnon et avait commencé à piétiner soigneusement. La couche était dense et, levant ses chaussures jusqu’aux genoux, elle semblait déterminée à laisser une empreinte profonde, qui resterait longtemps lisible. Ailleurs, les médias ne parlaient plus que de cela : le 29 mars 2019, la date à laquelle la procédure de retrait du Royaume-Uni de l’Union européenne devait définitivement être adoptée par le Parlement britannique. À Londres, une grande manifestation exigeant un second référendum se préparait. La vacancière aussi voulait participer, écrire sa demande d’annulation du Brexit dans les Alpes. Sans nouvel appel aux urnes, elle n’avait pourtant que ses pieds et ce maigre espace situé à plus de 2 000 mètres comme bulletin pour inscrire son attachement à l’Europe.