Y’a pas photo
Notre invitée : Cornelia Hummel
Genève, mai 2018.
Les nouveaux logiciels de traitement et de classement photo sont intelligents. Ils apprennent et ensuite ils savent. Ils évitent au photographe prolifique de se perdre dans la masse d’images qu’il produit avec un enthousiasme sans cesse renouvelé, en particulier lorsqu’il est en vacances ou invité au baptême de la petite nièce. Désormais, votre logiciel sait que l’étendue beige qui borde l’étendue bleue c’est une plage et il indexe, de son propre chef, la photo comme contenant une plage. Parfois, il faut l’aider un peu, car le logiciel ne peut pas d’emblée connaître toute votre famille : il convient de lui indiquer que la petite avec les cheveux bruns c’est Julia et le grisonnant à côté de Julia c’est Paul. On peut aussi indexer deux fois le grisonnant et signaler que cet homme-là, c’est « Paul » et « papa ». Une fois que l’indexation manuelle a été faite un certain nombre de fois par l’utilisateur, le logiciel indexe toutes les photos contenues dans la librairie en débusquant automatiquement Julia, Paul, papa et les autres. L’intelligence, on le sait, se partage, alors votre logiciel communique à tous ses collègues logiciels (NB. de la même marque ; le partage c’est bien mais il ne faut pas exagérer quand même) tout ce qu’il a appris avec vous : ce qu’est un gâteau d’anniversaire, une église, un mojito, un setter anglais. Vous ne pouvez pas brimer l’intelligence de votre logiciel en n’activant que la fonction d’indexation manuelle. Soit vous indexez, soit vous n’indexez pas.
Ceci n’est pas une machine à café.
Vais-je aider mon logiciel, et tous ses collègues, à reconnaître une machine à café ? Vais-je lui apprendre à distinguer une machine à café d’une voiture ? Vais-je effacer « voiture » et saisir « machine à café » ?
Non. A chacun sa résistance.